VORTEX
Une série sur la rotation de la Terre.
Suisse, Vaud, Broye-Vully, août et septembre 2020.
Avertissement : cette série de photographie a été réalisée dans des conditions défavorables. Trop proche des localités, le « voile atmosphérique »1 est perturbé par les lumières des villages environnants.
Suite à ma photographie de la comète NEOWISE, j’ai voulu expérimenter quelques images sur le thème de la rotation de la Terre. C’est un exercice que je n’avais encore jamais traité. Un petit challenge pour mes vacances 2020. Pour ce faire, 16 sorties nocturnes entre 23h00 et 03h00 du matin, espacées sur 30 jours. C’est l’une des raisons pour laquelle je suis resté proche de mon domicile. Les conditions météorologiques étant imprévisibles, je guignais chaque soir si une opportunité se présentait.
Une première image.
Prise avec une longue focale (100mm), cette image présente bien les variations de couleurs des astres visibles. La prise de vue est centrée sur l’Étoile polaire, ou l’Étoile du Nord, qui n’est pas tout à fait au centre du pôle céleste. Mais c’est la plus brillante, donc facilement repérable. Elle fait partie de la constellation de la Petite Ourse. 63 minutes d’exposition, f/8.0 à 400 ISO, capteur CMOS 24×36.
Comme cette série a été réalisée sur un mois, j’ai eu droit à toutes les phases de la lune. Du noir presque complet, sans lune, à une pleine lune trop éblouissante. Et donc, chaque nuit est différente en terme d’ensoleillement par réflexion lunaire. Les quelques jours entourant la pleine lune nous donnent la sensation d’une photographie prise en plein jour, mais avec des ombres plus douces due au déplacement de la lune. Ajoutez à cela l’humidité de l’air, les éventuelles couvertures nuageuses, la pollution lumineuse, il y a plus de paramètres qu’une photographie de paysage en plein jour. Toutefois, pour le style des images suivantes, il s’agit d’une interprétation libre dans Photoshop. Au final, l’important était d’obtenir un joli filé d’étoiles. Ma plus grosse difficulté a été de faire un cadrage du paysage de nuit, à travers un oculaire sombre. Toutes les images ont été réalisées avec l’objectif EF 17-40mm f/4 L USM (à 17mm).
Filé d’étoiles et rotation de la Terre.
Pour cette photographie du château, la troisième tentative fut la bonne. Son éclairage nocturne ne s’éteignait pas à ma première sortie. Pour la deuxième, mon cadrage était quelque peu de bizingue2. Ici, le château est illuminé uniquement par l’éclairage public du village. La lune s’est levée en cours de route. Et mon appareil photo a la bonne manie d’enregistrer l’image avant extinction de la batterie, ouf, 52 minutes d’attente sauvées.
Les lueurs que l’on voit au loin sont les grandes localités très éclairées la nuit, par exemple Yverdon au nord-ouest, Payerne au nord-est. Plus le brouillard est important, plus la lumière artificielle se disperse dans le ciel (et l’on distingue moins bien les étoiles).
Un peu frais.
Même si j’ai commencé cette série à la mi-août, les nuits ont été fraîches, entre 8 et 14°. La première nuit, j’ai fait semblant d’avoir chaud. La deuxième, je n’ai tenu qu’une heure. J’ai finalement dû me résoudre à mettre ma veste d’hiver, je suis parfois resté 3 heures sur place. Et la nuit, à l’écart des localités, on se retrouve dans le plus grand calme. Une expérience tout à fait agréable, on est dans ses pensées, ou plutôt ses non-pensées, juste à écouter le silence, à peine dérangé par quelques renards, hérissons, chevreuils et les rapaces nocturnes…
3 appareils sinon rien.
Sur l’image ci-dessous, un « making-of », on distingue deux autres appareils photographiques sur leurs trépieds (à droite du chemin).
Pour cette image avec une partie de la Voie lactée et ma voiture, 1 minute d’exposition à 25’600 ISO. (Cette sensibilité ISO extrême n’est pas reluisante au niveau de la qualité, mes photographies de filé d’étoiles sont prises à 100 ISO.) Une nuit sans lune. Si mes yeux ne voyaient pas les couleurs, le capteur, lui, voit tout. Par très faible luminosité, notre vue est en noir et blanc.
Ces deux autres appareils sont des reflex de l’ère pré-numérique. Je me suis amusé à faire quelques variantes sur des films noir et blanc. Je m’attends à un résultat moins spectaculaire qu’en numérique, l’effet Schwarzschild3 pénalise fortement les poses longues. Ces films ne sont pas encore développés au moment où j’écris ces lignes.
D’autres observations.
Sur cette image, la deuxième prise de la soirée, j’ai oublié de nettoyer la brume qui s’était installée sur l’objectif. Si le résultat donne un rendu féerique par son flou et sa lumière bleutée, on ne distingue presque plus le filé d’étoiles.
Un halo autour de la lune, par un temps humide.
En pose longue en direction du sud, le filé d’étoiles sera plus rectiligne. Ce doit être l’équateur céleste, au vu des courbes inversées entre le haut et le bas de l’image. Sujet d’une prochaine série photographique ?
Le mot de la fin.
Cela aura été sans doute les vacances les moins coûteuses de mon existence. Et le calme et la sérénité de l’attente dans la campagne environnante ; des instants précieux. Je ne vais sans doute pas en rester là, mais l’hiver arrivant, faire le pied de grue par des températures trop basses ne m’enchante guère. Et la météo depuis la mi-septembre ne m’a pas donné beaucoup d’opportunités. Voilà, ceci est le compte-rendu de mon challenge « vacances 2020 et rotation de la Terre ». Promis ; la prochaine fois, j’écrirais un peu moins.
Liens et notes.
1 Le « voile atmosphérique » est très usité dans le milieu de la photographie. Je devrais peut-être parler de « nébulosité », mais en astronomie ce terme a une autre signification, ce qui prêterait à confusion.
2 « de bizingue » : terme suisse romand signifiant « de travers ».
3 « effet Schwarzshild », du nom de l’astronome Karl Schwarzschild, est le nom donné à la diminution de la sensibilité d’une émulsion photographique lorsqu’elle est longuement exposée. À partir d’une seconde d’exposition, on ne peut plus appliquer le doublement de l’exposition à la fermeture d’une valeur de diaphragme (ou d’une diminution de l’intensité lumineuse à valeur égale). La sensibilité du film diminuant au fur et à mesure de son exposition, avec des variables comme la taille des sels d’argent et la température ambiante, la réussite n’est pas garantie… Mes résultats serviront de test pour ma prochaine expérience. Notez que cet « effet Schwarzschild » est aussi valable dans l’autre sens, pour les temps d’exposition très courts au-delà du 1/1000 de seconde.
Les autres liens sont inclus dans le texte.
© Willy Blanchard, tous droits réservés, 27 octobre 2020